INEDITS
LES VIEUX.
Les vieux meurent sur eux-mêmes. ils n'en finissent pas de mourir. Ils traînent leur mort des jours et des jours. On dit des jours et des jours. On ne les regarde pas. On ne les entends pas. On ne veut pas les regarder. On ne veut pas les entendre. Ils font peur. Ils sentent mauvais. Leur peau craquelle. C'est le soleil. Ils se décomposent. Des milliers de mouches les recouvrent. Des mouches vertes craquantes sous le pied. Elles sont collées autour de leurs yeux ouverts, au bord de leurs lèvres desséchées, mi-closes. Elles bourdonnent, pondent insatiables. Rien ne les chasse. Parfois, le matin en général, un bras trop mou, trop maigre, trop faible se lève, disperse d'une bouche un essaim épais, vorace. Alors, brièvement, on peut voir poindre entre les dents brisées, cariées, une langue noire, énorme. À ce moment les conversations cessent. Toutes les oreilles se tendent. On attend. On espère un mot. Le silence serait total s'il n'y avait pas les mouches. Mais qui entend encore les mouches? Pourtant seule leur activité est perceptible. Bientôt, le bras retombe, perdu. Alors dans l'orifice resté béant, des centaines d'insectes, immédiatement, s'introduisent. Les conversations reprennent. Il faut oublier. On oublie.C'est une occupation importante.
Extrait de "La colonne" travail en cours
Publié dans "Le Cahier du Refuge N°50 " centre international de poésie Marseille